« Atelier B »

Tout commence quelques mois avant le stage où, dès l’inscription, les responsables me demandent de produire un écrit de quelques pages. Le ton est donné, c’est la mise en route vers le stage.

L’année scolaire s’achève et nous nous retrouvons, début juillet pour six jours de travail intense où chaque minute a son importance. L’année où je fais mon stage, nous sommes trois stagiaires en B. Je retrouve deux personnes avec qui j’ai déjà échangé lors de stages précédents et deux responsables que je connais un peu.

Chacun présente son texte et les autres documents qu’il a apportés comme base de travail. Comme dans la classe, être attentif à l’autre, poser des questions, essayer de comprendre très rapidement de quoi il s’agit, ne pas rester focalisé sur son propre texte est un exercice difficile. Puis à son tour, être à même de répondre aux questions posées. Tout cela en un temps donné.

Comme au choix de texte en classe, nous devons en choisir un… Oui mais d’abord, il est nécessaire de se mettre d’accord sur les modalités du vote. Peut-on voter pour son texte ? De combien de voix dispose chacun ? Vote-t-on à mains levées ou à bulletins secrets ? Déjà beaucoup de discussions, déjà il s’agit d’argumenter, déjà ce qui peut être évident comme fonctionnement pour l’un ne l’est pas pour l’autre, déjà j’ai le sentiment que comme dans la classe, les règles sont élaborées ensemble…

Enfin, le texte est choisi. Ce n’est pas le mien. Nous nous mettons au travail.

Relecture, échanges multiples. Méthodiquement nous cherchons des fils que l’on pourrait tirer, démêler, développer, mettre en connexion. Les lettres deviennent mots, les mots des phrases. Nous cherchons à mettre du sens, à mettre en lumière ce que nous comprenons.

Nous travaillons à deux, parfois seules, parfois à trois, avec les responsables. Il s’agit pour chacun de trouver sa place dans ce travail d’équipe.

Nous travaillons sur les temps prévus pour, mais aussi parfois sur les temps de l’après midi prévus pour des échanges sur des institutions, sur nos pratiques de classe avec tous les autres stagiaires (ce que nous appelons « boutiques »), le soir tard aussi…

Le texte d’un devient le texte de tous et il devient mien.

L’histoire que nous racontons fait échos dans notre propre parcours, la toile que nous tissons met parfois en résonance notre propre histoire. Nous échangeons, laissons tomber un certain nombre de défenses, nous prenons le risque de parler de nous. Nous rions, nous pleurons parfois. Le cadre est là, bienveillant et sécurisant pour permettre cela.

Le temps qui nous est donné pour fournir et terminer ce travail paraît si court… et pourtant la rigueur de l’organisation du stage va le permettre. Même si souvent l’enthousiasme est porteur et nous fait avancer, nous rencontrons aussi de nombreux moments de stress de découragement face à la tâche que nous essayons de mener. Les responsables sont là, aident, échangent, encouragent, réconfortent.

Au fils des journées, notre travail prend la forme d’un texte.

Arrive le soir où nous présentons notre travail à l’ensemble des stagiaires et des responsables. Cette lecture à plusieurs est un moment intense, émouvant. Nous livrons notre réflexion. Le grand silence qui suit cette présentation est comme une respiration, chacun reprend son souffle puis à nouveau les réactions, les questions, les remarques…

Depuis ce stage, j’ai relu un bon nombre de monographies avec à chaque fois l’impression  d’une première fois. Comme un prisme que l’on regarde sous un autre angle, c’est à chaque fois une découverte, une nouvelle rencontre qui amène à d’autres questions.

Anne Le Guen, avril 2016.